Xavier Le Lagadec
Peinture - Dessin - Sculpture

Va-t-il me tuer ou l'ai-je déjà tué ?
Est-ce qu'il me juge et me condamne ou bien est-ce moi ?
Dans un univers de grisaille, de brume épaisse, de charbon, de terre brûlée crasseuse, des silhouettes floues et informes, sans visage ou si peu. Et quand elles en ont un, il est mortuaire ou mi humain-mi animal, sans bouche ou bâillonné. Quand elles ont des yeux, il n’en reste que des orbites creuses. Quand elles ont des mains, elles sont décharnées, squelettiques. Les corps, à peine esquissés, sont fantomatiques. Et souvent les personnages semblent dégouliner, comme des cadavres suintant de leurs humeurs fétides ou bavant de rage juste ante-mortem. On peut reconnaître, dans les différentes figures et au gré de ses fantasmes et de ses sources personnelles, le terrifiant Golem de la légende hébraïque, de sombres doges au carnaval de Venise, de noirs conspirateurs, un juge mutique, les Parques prêtes à trancher le fil de la vie, des faunes lépreux ou même « The Thing », l’un des 4 fantastiques des Marvels Comics américains.
On est en plein cauchemar, sans l’ironie critique des danses macabres, sans les enjolivures des surréalistes, sans la poétique cryptée des symbolistes. On peut évoquer James Ensor, Francis Bacon, Edward Munch, voir Chaïm Soutine, mais on reste tout de même face à une « chose » non identifié dans cet univers de l’expressionisme. E travail ni vraiment figuratif ni vraiment abstrait comme il a pu l’être dans ses différentes périodes mais toujours aussi noir, se fait ici carrément menaçant. On ne sort pas indemne de cet univers terrible où chaque personnage peut être perçu comme notre bourreau ou notre victime. Va t’il me tuer ou l’ai-je déjà tué ? Est-ce qu’on complote contre moi ou fais-je partie du complot ? On m’observe sans aménité et bouche close et moi je me fige dans l’observation de ces êtres qui me veulent certainement du mal. De Venise à Prague en passant par Bergen Belsen, à chacun d’imaginer son itinéraire vers l’enfer !
C’est à un voyage cathartique dans nos peurs les plus primitives que l'artiste nous invite.
Âmes sensibles s’abstenir.
Lola Maldestoff (Auteure)